Une carte blanche à Kimsooja

Traversées, un événement pas comme les autres

 

Sur proposition des directrices artistiques Emma Lavigne et Emmanuelle de Montgazon, Poitiers invite l’artiste sud-coréenne Kimsooja à poser son regard sur les édifices remarquables et patrimoniaux de la ville, connus ou inconnus, pour y installer des oeuvres contemporaines en dialogue avec l’histoire et l’architecture de ces lieux.

Les thématiques du voyage, du déplacement et du déracinement irriguent l’oeuvre de

Kimsooja. Transfigurant l’espace en expérience sensible, elle fait vaciller l’architecture des lieux qu’elle investit, pour y laisser entrevoir de nouveaux horizons. Ses propositions, en résonnance avec d’autres artistes avec qui elle partage de forts liens, vont s’articuler telle une traversée de la ville où les chemins se croisent, se rencontrent, bifurquent. C’est cette carte blanche, telle une invitation à venir poser son regard sur la Ville, qui constitue la particularité et l’essence de Traversées.

Autour de cette invitation à Kimsooja et son univers, une programmation associée construite avec les acteurs culturels et les forces vives du territoire se déploie dans Poitiers et Grand Poitiers. Plus de 40 partenaires se sont engagés….

Ponctué de temps forts, de rendez-vous singuliers et d’événements dans l’espace public, Traversées \ Kimsooja invite à une nouvelle expérience de la ville, fondée sur des chemins détournés et des renversements de perspectives.

Avec Traversées \ Kimsooja, Poitiers invite à la (re)découverte de ces édifices emblématiques et à une ouverture au monde, par des propositions artistiques contemporaines, d’ici ou d’ailleurs, qui dialogueront avec le patrimoine exceptionnel de la ville.

 Kimsooja, artiste nomade

 

Kimsooja est née en 1957 à Daegu (Corée du Sud). Elle vit et travaille à New-York (Etats-Unis) et à Séoul (Corée du Sud).

Les déménagements fréquents au gré des affectations militaires de son père et son «  exil volontaire  » à New York ont amené Kimsooja à s’interroger sur la notion de voyage et à développer une conscience humaniste de l’altérité, qui se révèle dans les multiples interactions suscitées par ses oeuvres. Elle envisage les moments de rencontre induits par les déplacements et pérégrinations, au cours desquels chacun emporte un peu de soi, comme un vrai partage, tant culturel que spirituel. Kimsooja se fait ainsi «  femme aiguille  », selon le titre de sa performance Needle Woman, et, par ses oeuvres et les questionnements qui l’animent, tisse des liens à travers les contextes sociaux de différents lieux géographiques. En filigrane de ses déplacements, de ses bottaris – le terme coréen pour des baluchons de nomade - ou de ses rencontres, résonnent toujours la question de l’hospitalité et, plus profondément, le lien familial qui nourrit sa pratique artistique depuis ses débuts.

Kimsooja a réalisé ses études de peinture à l’Université Hongik à Séoul et a ensuite suivi un atelier de lithographie à l’Ecole Nationale des Beaux-Arts de Paris. Elle a été invitée dans plus de 30 biennales et triennales d’art contemporain à travers le monde. Elle a représenté la Corée du Sud pour la 24e biennale de Sao Paulo en 1998, et la 55e biennale de Venise en 2013. Son travail a fait l’objet d’expositions personnelles au MoMA PS1, au Palais de Cristal de Madrid / Museo Nacional Centro de Arte Reina Sofia, au Vancouver Art Gallery, au Kunsthalle Wien, au Kunsthalle Bern, au Kunstmuseum Liechtenstien, au Musée d’art contemporain de Lyon, au Musée d’art moderne de Saint- Etienne, au Guggenheim Bilbao ou encore au Centre Pompidou-Metz.

 

« Contempler l’histoire, le paysage, la beauté des monuments historiques de la ville. Prendre conscience de la relation de Michel Foucault avec sa ville natale, lui qui a eu une grande influence sur le discours en art contemporain. Tout cela a été très enrichissant pour moi. J’ai découvert un chemin complexe entre religion, culture, politique, esthétique et histoire de la France et de l’Europe voisine.

Il s’agit peut-être de mon projet le plus inspirant, complexe et ambitieux, car il se concentre sur la spécificité de ce site, qui répond à la notion de traversées qui m’est chère depuis tant d’années. Depuis le projet Bottari, Cities on the Move, et même depuis mes travaux de couture dans les années 1980, qui exploraient également l’espace et le temps, tout cela a répondu à ma propre réalité et à ma propre culture, en dialogue avec les valeurs et les réalités universelles. Si cette exposition n’est pas une rétrospective, elle est fortement liée à l’histoire de ma pratique en tant qu’artiste nomade depuis les années 1990, mais aussi en tant qu’enfant ayant grandi dans une famille nomade près de la zone démilitarisée coréenne, au contact des frontières et des dangers de la Corée du Nord. Selon moi, cette enfance a façonné ma perception de l’autre et du tableau en tant que frontière.

Pouvoir inviter d’autres artistes, dont les oeuvres résonnent avec ma propre pratique, qui évoquent le contexte des frontières, la vérité et l’esthétique de la notion de traversées, est à la fois magnifique et inspirant. »

Kimsooja

La Villa Bloch, lieu de résidence pour les artistes de Traversées \ Kimsooja

 

La Ville de Poitiers a inauguré en 2019 la Villa Bloch, nouveau lieu de résidences d’artistes imaginé en hommage à son ancien propriétaire, Jean-Richard Bloch (1884- 1947), à la fois écrivain, journaliste, humaniste, et intellectuel engagé, qui n’a cessé tout au long de sa vie de défendre la liberté d’expression et la création artistique.

Lieu de création, la Villa Bloch est également un lieu de mémoire : le bureau de Jean- Richard Bloch a été reconstitué, et témoigne ainsi de l’oeuvre et de l’engagement de cet intellectuel engagé du début du XXème siècle. La Villa Bloch peut accueillir simultanément quatre artistes en résidence dont un auteur ne pouvant plus créer librement dans son pays d’origine. Poitiers est ainsi devenue avec Paris membre du réseau international des cités refuge (ICORN), et accueille depuis janvier un jeune poète iranien et sa famille.

L’un des espaces de résidence de la Villa Bloch a permis d’accueillir les artistes de Traversées \ Kimsooja : Lenio Kaklea, Thomas Ferrand, Stephen Vitiello ou encore Myriam Boucher y ont résidé et travaillé lors de leurs séjours à Poitiers.